L'ouvrage de Robert Vallée 
"Cognition et système - essai d'épistémo-praxéologie"  
est paru en 1995 (coll Système(s), ed l'Interdisciplinaire,  
480 rue de la Glande, 69760 Limonest).

"L'indissociabilité de la perception et de l'action modificatrice de l'univers perçu instaure une boucle qui place décision et action sur le même plan que la perception dans le processus de cognition. Cette "épistémo-praxéologie" rend compte des diverses subjectivités, attachées au système percevant et décidant, induites par transfert inverse, sur l'univers perçu, de ses propres structures internes. Elle conduit à une conception renouvelée des relations entre sujet et objet, de même qu'entre sujets distincts, où la synthèse unificatrice s'opère au niveau d'un super système, dans le cadre d'un "constructivisme bien tempéré".

Robert Vallée
 

    LA CYBERNETIQUE ET L'AVENIR DE L'HOMME Revue internationale de systémique, vol. 9, n°4, 1995

Robert Vallée, fondateur en 1950 du "cercle d'études cybernétiques", a publié ce texte initialement en 1952. On retrouvera l'idée d'"un être nouveau, recouvrant la planète" dans des ouvrages de J. de Rosnay et notamment dans "l'homme symbiotique", 1995, sous le nom de "cybionte".

Nous citons ci-dessous quelques extraits.

"on peut estimer que l'évolution humaine qui se poursuit peut être sur le plan mental, qui semble arrêtée ou du moins considérablement ralentie au point de vue biologique, se continue dans le domaine des formes artificielles. (...) l'apparition des outils et leur perfectionnement peuvent être considéres comme un prolongement de l'évolution biologique. (...) un être nouveau prend naissance, issu de l'homme et de la machine; cet être étonnant plonge son regard jusqu'aux étoiles et scrute les profondeurs de l'infiniment petit . placé comme l'homme entre les deux infinis de grandeur et de petitesse, son domaine d'action est plus vaste.( ...) cet être semble subir une expansion continuelle qui le pousse à connaître et même à occuper un domaine de plus en plus grand. il tend à emplir l'espace qui lui est offert, poursuivant ainsi cette lente conquête commencée avec l'apparition de la vie.( ...)
Spectateur et acteur sur la scène du monde, l'homme tend à pénétrer davantage l'univers et à en animer les régions les plus difficiles d'accès.
Cette étonnante évolution est due, pour une grande part, aux applications qu'a suscitées la cybernétique. Cette science, difficile à définir, s'intéresse à la théorie de l'information, aux réseaux de transmission, aux processus logiques, et cela sous l'aspect électromagnétique, neurologique, voire économique.
( ...) Il semble bien, comme le fait remarquer Norbert Wiener, que nous soyons maintenant au début d'une "seconde révolution industrielle", comparable à celle dont le siècle passé fut le témoin. Cette révolution résulte des applications de la cybernétique: alors que la première révolution industrielle accompagna l'introduction de méthodes plus commodes d'obtention de l'énergie, la seconde a pour origine les facilités nouvelles que l'on rencontre maintenant dans la réalisation automatique de certains processus mentaux.( ...)
L'homme évolue lentement et, de toutes manières, beaucoup mons vite que les mécanismes artificiels dont le dote le progrès technique. Pour qu'une symbiose puisse s'effectuer de façon harmonieuse il est nécessaire que l'homme puisse s'adapter aux conditions nouvelles qui lui sont imposées.( ...) De même que la symbiose de l'homme et de la machine conduit à un être nouveau, aboutissement actuel de de l'évolution, de même l'alliance de la société et de la machine donne naissance à un être gigantesque qui tend à recouvrir la terre entière et à s'étendre dans l'univers où nous sommes plongés.( ...) Un organisme apparaît alors, formant un tout dont chaque homme, avec les mécanismes qui le complètent, constitue un élément. Cet organisme, un peu abstrait, pourrait être comparé à une pellicule couvrant la surface de la terre, ou mieux à quelque lichen envahissant chaque jour davantage l'étendue qui s'offre à lui. Son système nerveux n'est pas achevé, des ramifications nouvelles apparaissent, pénétrant un peu plus profondément les portions les plus isolées. Ce système de télécommunications joue un rôle unificateur, il s'oppose à l'effritement spontané de l'ensemble, il prévient, dans une certaine mesure, les risques de schismes graves auquel cet "être mondial" peut être exposé.( ...)
La cybernétique peut conduire à des modifications dans la structure des sociétés, dans la psychologie individuelle, dans les moyens de diffusion de la pensée, dans les méthodes d'administration, dans l'évolution des sciences, dans l'histoire des arts. Elle conduit l'homme à une domination plus complète de la nature, elle l'incite à se dépasser lui-même pour s'adapter à la situation nouvelle qu'il crée autour de lui. Elle tend à réunir les groupes humains, à leur offrir des méthodes plus efficaces."

Robert Vallée